Hanna Vaaranen

DRH engagée, agile, internationale et discrète

Nous, les étrangers, avons une chance de pouvoir nous attacher au monde, non seulement à travers notre toute première grille de lecture, celle de nos origines, mais aussi à travers une série de connexions auxquelles nous avons appris à nous relier dans un pays étranger.

Certains métiers donnent en plus l’occasion de voyager professionnellement parlant dans plusieurs régions, parfois même dans plusieurs pays, d’agir à l’intérieur de plusieurs organisations, de fréquenter plusieurs catégories sociales, et leurs riches cultures.

La mienne, les ressources humaines, m’a permis ainsi de ne pas rester éternellement une touriste finlandaise en France, de me rendre compte qu’il n’existe même pas une seule France. La France est une abstraction, certes difficile d’accès, mais fascinante et donc passionnante.

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Quelques anecdotes professionnelles internationales

FRANCE vs SUEDE

Pierre, un ingénieur Français récemment arrivé à Göteborg au siège de Volvo en Suède en confrontation avec l’esprit communautaire et honnête des Nordiques en entreprise.

Pierre avait passé l’un de ses premiers week-ends en Suède sur les routes avec sa compagne pour découvrir les merveilleux paysages suédois. En empruntant les routes, il a utilisé à fond les possibilités de son nouveau véhicule de fonction, très confortable d’ailleurs. Et…. il a fini par être arrêté par la police. L’agent lui a posé une question pour savoir si Pierre pourrait payer la nouvelle contravention pour dépassement de vitesse sur le champ. Mais Pierre mettait en doute le fait d’avoir dépassé la vitesse. Il a ainsi privilégié l’option d’envoi du PV à domicile (« avec un peu de chance de mon côté, ils ne me trouveront pas, de toute façon. Je viens d’arriver au pays… »).

Lundi matin à la pause-café traditionnelle garantissant le bien-être au travail, le fameux « fika » suédois, Pierre raconte aux collègues ses aventures du week-end, dont la police et le dépassement de la limitation de vitesse. Les collègues s’irritent et en deviennent quasiment fâchés. Pierre ne comprend pas. Les Suédois s’expriment. Il n’est pas « malin » de ne pas payer de suite la contravention parce que cela fait travailler inutilement l’administration. Ils mettent en garde Pierre d’utiliser de façon totalement non-productive l’argent des contributeurs ! C’est-à-dire notre argent.

Plus tard dans l’année Pierre, discute avec une amie suédoise. Les échanges portent sur un article paru dans la presse locale. La journaliste relate l’ouverture d’une nouvelle salle de sport dans les environs. Celle-ci demande à la responsable de la nouvelle salle, si elle-même fait du sport régulièrement. La responsable répond en toute sincérité « pas du tout ». À la lecture de l’entretien, Pierre fait part de son étonnement à son amie suédoise face à la sincérité affichée par la responsable dans un média à portée commerciale. « Comment une responsable de salle de sport, faisant elle-même avec fierté la promotion de l’ouverture, peut-elle dire qu’elle ne pratique pas son propre produit ? Quelle naïveté ! C’est le monde à l’envers ! » déclare Pierre. Son amie suédoise semble ne pas vraiment comprendre les remarques de Pierre.

FINLANDE vs ANGLETERRE vs FRANCE

Un jeune homme finlandais, Petteri, après avoir travaillé quelques années pour un groupe influent, américain à Londres est muté en France au siège d’un BU à Paris. Il travaille dans les finances. Dans sa nouvelle fonction en France, il remplace une jeune femme ayant bénéficié d’une promotion pour obtenir d’autres responsabilités au sein du groupe. Le financier finlandais rapporte à une directrice financière française et il devient ainsi collègue de deux jeunes femmes françaises qui avaient l’habitude de fonctionner en étroite collaboration avec la promue. Comme à Londres, le jeune Finlandais, sportif et ambitieux, continue à pratiquer le jogging lors des pauses-déjeuner du midi. Et comme à Londres, il utilise son territoire de l’open-space à sa guise. « Tout compte fait, j’avais admirablement réussi à m’intégrer au sein des équipes londoniennes, très sympas d’ailleurs. Des véritables libéraux » se dit-il.

Or, à la stupéfaction intense des deux dames, le jeune homme, privé de vestiaire, étale ses affaires de jogging sur les chaises libres de l’open-space dans un souci de les faire sécher pour la course du lendemain. De même, il ne parle pas trop lors des pauses. Il travaille de l’arrache-pied. Le jeune homme présente néanmoins ses idées pertinentes concernant le management des équipes à sa responsable hiérarchique, directrice financière. Celle-ci essaie de lui faire comprendre entre les lignes les codes français. Et de l’autre côté, elle temporise l’ire des Françaises, plus en plus impatientes quant aux vêtements de sport humides qui voilent la vue des jeunes cadres, femmes élégantes au quotidien.

SUEDE vs FRANCE vs ALLEMAGNE

Un contrôleur de gestion, jeune femme suédoise, ayant travaillé en France et mariée à un Français, a été promue pour prendre en charge un poste en Allemagne. Son responsable d’alors, allemand, lui demande avec fierté ce qu’elle pense du produit sur lequel l’équipe travaille depuis quelques années et auquel elle vient d’être affectée. La Suédoise, elle, n’est pas sincèrement impressionnée par le produit en question, et commence à exprimer une opinion qui n’est pas tout à fait calquée sur l’enthousiasme collectif. Elle se fait interrompre très rapidement par le responsable allemand :« Fais attention à ce que tu dis ».

La jeune femme suédoise interloquée se demande pourquoi le responsable me demande-t-il mon opinion si je ne peux pas m’exprimer librement.

Le soir, en discutant avec son mari, elle comprend en effet qu’entre loyauté à l’équipe et liberté d’expression, les codes de communication sont manifestement différents entre les pays nordiques et leurs voisins plus au sud !

FRANCE vs CONGO

Un homme militaire français, haut gradé et expérimenté a été sélectionné dans le cadre des échanges entre les deux pays, pour enseigner la maîtrise des risques dans une École militaire Congolaise. L’enseignant, Philippe, connaît d’ailleurs bien le continent africain après y avoir travaillé à maintes reprises. Il y a notamment dirigé des troupes européennes dans un contexte de crise. Ses cours sont soigneusement préparés, son discours est rôdé, ses tenues militaires et civiles sont éclatantes : respect !

Ainsi, le maître arrive, mais les élèves sont-ils prêts ? Philippe se le demande en constatant que personne dans la classe ne prend note. Pourtant, les informations sont offertes sous un format pédagogique structuré et structurant. Il y a une abondance d’exemples concrets qui étayent la théorie. La présentation Power Point et le discours se complètent. Les élèves réagissent certes, mais uniquement en paroles. Il y a même beaucoup d’échanges et des débats. Mais personne n’écrit.

Philippe conçoit vite la solution en étoffant son cours par des anecdotes pour que les élèves congolaises retrouvent leurs points de repère. Dans ce pays, comme dans tant d’autres de l’Afrique, tout se raconte depuis toujours. Y compris ainsi les enseignements liés à la prévention et à la gestion des risques. Pour inciter les élèves officiers à formaliser quelques notes, Philippe aménage le programme. Il bascule certaines parties du cours en récits qu’il raconte à la classe. Il résume toutes les parties développées par quelques points clef, à noter par les élèves. Les élèves officiers s’y mettent progressivement. Certains réalisent des photos avec le téléphone portable, d’autres filment tout le cours, la majorité cependant écrit les points clef. À la fin de l’année, les élèves officiers congolais passent les épreuves. L’objectif de ces examens, à l’écrit et à l’oral, consiste à contrôler la cohérence globale de raisonnement de l’élève.

FRANCE vs MEXIQUE

La gestion d’un plan de productivité d’une entité mexicaine exige un suivi régulier et serré. Comme les Mexicains aiment aller dans le sens du chef et ne point le décevoir, ils préfèrent rester vagues pour certaines données. Francisco, un directeur des achats et des programmes au sein d’un groupe industriel d’envergure international, le sait plus qu’un autre puisqu’il est d’origine mexicaine. Il connaît déjà les codes culturels. Francisco sait d’emblée notamment comment gérer non seulement la partie technique du métier, mais aussi la partie affective, celle qui peut faire la différence entre l’équipe qui gagne et l’autre qui ne gagne pas.

Un jour le responsable des achats du site mexicain, José, a dû présenter le plan de productivité à l’équipe de direction du siège français à l’occasion de leur visite au Mexique. La veille, lors d’une réunion préparatoire, Francisco s’est aperçu que les données chiffrées réelles ne donnaient pas raison d’être joyeux immédiatement. Il fallait ainsi regarder l’équilibre global du plan et tenter de faire préciser par José un rattrapage véloce pour les parties de l’indice qui avaient pris du retard. Francisco a identifié rapidement d’autres gains potentiels. Il a posé la question à José pour faire préciser les délais envisageables pour ces autres gains potentiels. José a présenté son engagement en précisant qu’il allait tout faire pour y arriver. « Es-tu certain que vous pourrez réaliser ces gains ? « a demandé Francisco. « Oui, on va se débrouiller pour y arriver, ne t’inquiètes pas. » lui a répondu José.

Deux semaines après dans la réunion hebdomadaire de suivi du plan par Teams, Francisco revient sur le plan de productivité. Il constate que certains délais ne tiennent pas à nouveau par rapport à l’engagement pris par José. Celui-ci promet de résoudre ces questions la semaine suivante, sans faute. Francisco, l’interroge : « La semaine suivante, mais quand ? « Au début de la semaine », lui répond José. « D’accord, au début de la semaine. Quel jour exactement, s’il te plaît ? » dit Francisco. « Mardi » indique José. « Et pour cet autre délai noté pour mai. Ne pourrait-on pas accélérer quelque peu ? demande Francisco. « D’accord, au lieu de mai, je vais noter mars. » signale José. « Ok, tu as dit mars, mais es-tu certain que vous allez pouvoir revoir le tout avec le fournisseur d’ici là, de façon anticipée ? » dit Francisco. « Oui, on va tout faire pour y arriver. » rassure José.

Sans être parfaitement rassuré, Francisco est néanmoins conscient, que dans son pays il y a davantage de la souplesse vis-à-vis de la discipline et puis, un Mexicain trouve que la façon européenne de dire non est brutal. Pourquoi ainsi brusquer si l’on peut faire passer le message avec plus de finesse. Et en même temps, Francisco prévoit d’organiser une sortie de l’équipe lors de son prochain passage sur le site. Un déjeuner dans un restaurant français, car plus que d’autres, les Mexicains sortent ensemble pour fêter la vie. Cela permet aussi de maintenir la motivation au travail, et les résultats économiques.

FRANCE vs ITALIE

Giancarlo, a bâti son expérience professionnelle dans le secteur de l’hôtellerie à Rome. En contact avec de nombreux touristes qui visitent la ville éternelle en toutes saisons, celui-ci sait tout mettre en œuvre pour que le client se sente bien accueilli, agréablement surpris de son séjour à l’hôtel. Pour ses clients et ses chers collègues, Giancarlo incarne en plus un véritable « uomo elegante romano ». C’est en travaillant dans ce milieu de luxe que Giancarlo a acquis son propre style à lui. Et ce n’est pas rien que d’avoir son propre style vestimentaire en Italie.

En vue d’étoffer ses compétences professionnelles Giancarlo, décide cependant, de tenter sa chance en postulant auprès d’un Groupe prestigieux français. Déterminé, il prépare alors soigneusement les entretiens et les tests d’embauche. Le succès en résulte. Au grand regret de sa famille, il quitte ses parents et sa Rome natale pour des nouvelles aventures. Le poste que le Groupe lui confie est situé en effet en Normandie dans un établissement de 5 étoiles.

Le premier jour du travail, Giancarlo arrive à l’Hôtel bien avant la prise effective du poste. À ce stade, il poursuit ses habitudes romaines. Il se dirige vers une espace de restauration où se trouve un comptoir de bar. Il aimerait de suite nouer quelques relations avec les nouveaux collègues de Normandie. « La prima colazione con caffè ristretto, per favore ! » dit Giancarlo, sans pour autant dévoiler qu’il fait partie du personnel. « Tout de suite, Monsieur ! » lui répond le barman.

Apparaît alors un autre Monsieur. Son regard étonné, les sourcils en accent circonflexe, essuie toute la salle avant de s’arrêter sur Giancarlo. Celui-ci s’en aperçoit à la première gorgée de café. « Serait-ce lui le Directeur de l’Établissement, mon futur manager ? » se dit tout bas Giancarlo. Tout en voulant savoir davantage, il continue à boire tranquillement le café.

Subitement, le deuxième homme arrête sa discussion avec le barman. Il s’adresse à Giancarlo et lui demande s’il veut un deuxième café : « Un cappuccino, peut-être » ? Apparemment, sans se douter de rien, Giancarlo lui répond par la négative. « Non, merci. Cela fait un moment déjà que j’attends mon croissant. » « Qui êtes-vous ? » lui demande Monsieur. « Je m’appelle Giancarlo Matera, je viens ici pour prendre un nouveau poste. J’attends l’arrivée du Directeur. » « C’est moi le Directeur » répond le deuxième homme. « Et je vous attends aussi. Mon bureau est situé à proximité de la réception, au rez-de-chaussée du bâtiment. »

« Si je comprends bien, vous ne prenez pas le petit-déjeuner le matin avec votre équipe ? » retorque Giancarlo. « Non ! » riposte son nouveau manager.

FRANCE vs JAPON

Une propriétaire d’hôtel, Française, se remémore des temps anciens. Avant l’arrivée massive des touristes chinois à Paris, elle en avait accueilli d’autres en provenance d’Asie. Son hôtel de charme, situé à proximité des Champs-Élysées, à deux pas également des grands magasins du Boulevard Haussmann, était souvent rempli par des touristes japonais. La réception, la salle de restauration, les escaliers de l’hôtel représentaient en effet une certaine idée de Paris. Celle que nous aimons tous sans résistance. Même les salles de bain de son établissement diffusaient l’atmosphère douceâtre. Une baignoire-douche, un bidet et des toilettes de couleur vieux rose avaient été aménagés dans une pièce unique avec ambiance alliant des formes décoratives haussmanniennes aux carrelages roses pales des murs.

Or, son quotidien à l’hôtel visant à maintenir intact ce charme luxueux lui réservait quelques surprises. L’histoire de la chambre numéro 6 au premier étage, occupée par Madame et Monsieur René Rivière pour un long week-end du mois de mai, l’illustre parfaitement.

Madame Rivière, frileuse de nature, aimait clore ses journées qui succédaient à une promenade parisienne par un bain parfumé au sel de bain à la rose que proposait l’hôtel. Profitant de l’ambiance et de la relaxation que lui garantissait ce moment unique, bien à elle, Madame Rivière s’étonnait cependant de percevoir des bruits d’écoulement d’eau et des clapotis qui alternaient avec des froissements quasi imperceptibles, comme si quelqu’un était en train d’essuyer le sol. Trois fois. Lors de sa deuxième soirée parisienne, Madame Rivière, toujours fidèle à sa méthode de relaxation, a été saisie par les mêmes bruits, et aussi par une évacuation des eaux de bain. Elle n’a pas pu s’empêcher de monter à l’étage supérieur pour essayer d’analyser la situation. Effectivement, devant la porte de la chambre de l’étage supérieur, il y avait une grande flaque d’eau. Elle a estimé qu’elle devait alors en informer la direction d’hôtel. C’est ainsi que Madame Rivière a indiqué à la réception ce qu’elle avait entendu et vu.

Pour la rassurer la direction de l’hôtel lui a appris que selon les règles d’hygiène des Japonais, il était inenvisageable de prendre un bain dans une eau sale. C’est ainsi que les Japonais préféraient d’abord se doucher en utilisant la salle de bain entière comme cabine de douche, ensuite éventuellement prendre un bain dans la baignoire.